Le mois de janvier a été marqué par l’annonce de la réforme des retraites qui est actuellement examinée après une periode de concertation à l’Assemblée nationale.
J’ai l’honneur d’avoir été nommée Rapporteure de ce projet de loi.
Engagement du Président de la République Emmanuel MACRON et de la majorité présidentielle lors des élections législatives 2022, la réforme des retraites est indispensable pour assurer la pérennité de notre système par répartition.
Indispensable car notre système de retraite est structurellement déficitaire : le conseil d’orientation des retraites, le COR (instance indépendante chargée d’analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite français) met en évidence l’existence d’un déficit sur les 25 prochaines années. À partir de 2023, c’est un déficit de 1,8 milliard d’euros. Très vite, notre modèle risque de s’effondrer pour atteindre près de 35 milliards de déficit en 2046 faisant peser sur nos générations futures, le poids d’une inaction politique.
Rapporteure générale de ce texte, j’ai l’intime conviction que notre modèle de protection sociale doit être préservé : cette réforme est difficile mais indispensable.
Dans cette situation nous avons 3 possibilités si nous souhaitons préserver notre système par répartition :
- Augmenter les cotisations sociales conduisant baisse de l’emploi et du pouvoir d’achat des salariés ;
- Baisser les pensions retraites et donc diminuer le pouvoir d’achat des retraités ;
- Augmenter la durée de cotisation / Augmenter l’âge légal de départ à la retraite comme de nombreux pays européens l’ont déjà fait.
Nous choisissons de préserver notre système qui repose sur la solidarité entre les générations, les actifs cotisants plus longtemps pour les retraités.
- L’âge légal à partir duquel il est possible de partir à la retraite sera progressivement relevé à compter du 1er septembre 2023, à raison de 3 mois par année de naissance. Il sera ainsi fixé à 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030.
- Pour bénéficier de sa retraite à taux plein, il faudra, dès 2027, avoir travaillé 43 ans, durée de cotisation votée dans le cadre de la loi Touraine de 2014.
Comme aujourd’hui, les personnes partant à la retraite à 67 ans bénéficieront toujours automatiquement d’une retraite à taux plein, c’est-à-dire sans décote, même si elles n’ont pas travaillé 43 ans.
Un projet de justice qui protège les personnes qui ont des carrières longues et difficiles
- Le dispositif de carrières longues sera adapté pour qu’aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne soit obligée de travailler plus de 44 ans. Ceux qui ont commencé avant 16 ans pourront partir dès 58 ans ; entre 16 et 18 ans à partir 60 ans ; entre 18 et 20 ans à partir de 62 ans.
- Comme aujourd’hui, les personnes en situation d’invalidité ou d’inaptitude pourront partir à 62 ans à taux plein, les travailleurs handicapés à compter de 55 ans.
- Les salariés ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle pourront sous conditions, partir à la retraite 2 ans avant l’âge légal. Les conditions pour accéder à ce départ anticipé seront assouplies.
Avec cette réforme 4 personnes sur 10 partiront avant l’âge légal de 64 ans.
Un projet de justice qui protège de l’usure professionnelle
Nous engageons un véritable virage de la prévention avec un accès au compte professionnel de prévention facilité et plus large, la mise en place de congés de reconversion pour changer de métier plus facilement, un fond d’investissement dans la prévention et l’usure professionnelle d’un milliard d’euros sera instauré pour la prévention et la reconversion.
La pénibilité et la prévention à l’échelle humaine seront replacées au coeur du projet de réforme des retraites : le suivi médical sera renforcé en cas de métiers pénibles afin de mener des actions de prévention et mieux détecter les situations d’inaptitudepermettant un départ anticipé à 62 ans.
- Le minimum de pension augmentera de 100 € par mois pour une carrière complète. Un salarié au SMIC toute sa carrière, aura une pension de 85 % du SMIC net. Cela concerne 60% des femmes.
- Les périodes de congé parental seront prises en compte pour partir avec le dispositif de carrières longues ainsi que dans le calcul du minimum de pension de ceux qui ont travaillé plus de 30 ans.
- Les aidants familiaux, qui sont contraints de réduire leur activité pour s’occuper d’un proche parent ou d’un enfant, bénéficieront de validations de trimestres.
Un projet de progrès pour une société du travail qui valorise les seniors :
- Un index seniors sera créé pour faire la transparence dans les entreprises et pour replacer la gestion des âges au cœur du dialogue social, pour augmenter l’emploi des séniors.
- La retraite progressive, qui permet de liquider avant l’âge légal une partie de sa pension pour passer à temps partiel, sera assouplie et élargie à la fonction publique. Les retraités qui reprennent une activité pourront acquérir des droits et augmenter leur pension.
Je suis consciente comme l’ensemble de mes collègues de la majorité et du gouvernement que cette réforme est difficile. Elle demande à tous, un effort supplémentaire dans un contexte post pandémie et alors que la guerre est aux portes de l’Europe conduisant à une inflation très forte pesant sur le pouvoir d’achat.
Ainsi, ce texte répond aux enjeux de notre société et je suis très fière d’en être rapporteure. J’espère que le débat parlementaire sera constructif et permettra d’améliorer le texte.
L’examen du Projet de réforme des retraites en Commission Mixte Paritaire (CMP), autour de 7 députés et 7 sénateurs nous a permis, alors même que l’Assemblée nationale en avait malheureusement été privée en première lecture, d’examiner cette réforme complexe, difficile, mais avant tout indispensable.
Article par article nous avons pu, avec nos collègues du Sénat, échanger du fond de chacune des dispositions que le texte contient aujourd’hui. Cela s’est passé dans un climat serein et respectueux qui tranchaient avec les débats que nous avons connus dans notre hémicycle.
Cela nous a aussi permis de bâtir un compromis qui traduit naturellement un juste équilibre entre les propositions de la chambre haute et celles de la chambre basse. La CMP a adopté un texte qui permet d’atteindre l’équilibre de notre système de retraites en 2030 tout garantissant un niveau de pension digne à chacun. C’était là la clé de voûte de notre accord.
Je regrette néanmoins l’attitude et le manque de cohérence de nos adversaires politiques qui ne nous ont pas permis d’aller au terme du processus législatif par le vote. C’est sur ce même texte de CMP que la Première ministre a été contrainte d’engager la responsabilité de son gouvernement en utilisant l’article 49 alinéa 3 de notre Constitution.
L’heure est aujourd’hui à l’apaisement et au dialogue. La Première ministre a assuré de sa volonté de mobiliser dans les prochaines semaines tous les acteurs qui souhaitent bâtir en commun un cap pour le plein emploi, le progrès et l’ordre républicain.
Le calendrier parlementaire sera retravaillé en ce sens et construit plus en amont avec l’ensemble des forces politiques qui le souhaitent.
Je vous propose de revenir sur les avancées issues des débats parlementaires sur la réforme des retraites :
- Une surcote de 5% par an à compter de 63 ans (soit 1 an avant l’âge légal) pour les mères qui ont validé leur durée d’assurance ;
- La prise en compte des indemnités journalières maternité comme un « salaire » pour le calcul des « 25 meilleures années » ;
- L’extension de la majoration de 10% pour 3 enfants aux régimes de base des libéraux, avocats compris ;
- L’objectif d’une suppression des écarts de pension entre les hommes et les femmes à horizon d’une génération (2050) ;
- Le maintien des droits familiaux en cas de perte d’enfant, notamment les trimestres éducation dans le privé et la majoration de 10% dans le public ;
- L’instauration d’une pension de réversion pour les orphelins dans le régime général, avec des mesures spécifiques concernant les enfants handicapés ;
- La suppression des droits familiaux en cas de condamnation pénale pour des faits commis sur un enfant ;
- L’augmentation du nombre de trimestre pour éducation attribués à la mère dans le partage entre parents.
Le débat parlementaire a permis de renforcer les mesures d’accompagnement du relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite en exonérant ou limitant les effets :
- Pour les carrières longues : par la création d’un départ à 63 ans pour ceux qui ont commencé entre 20 et 21 ans et pour l’assouplissement de la condition de durée de cotisation (43 ans) une fois l’âge anticipé atteint ;
- Pour ceux qui ont un état de santé ne permettant pas de poursuivre une activité professionnelle : par le maintien de la possibilité de partir à 60 ans à taux plein en cas d’incapacité permanente.
Les rachats de trimestres sont facilités et valorisés pour les périodes d’apprentissage (intégration dans le dispositif carrière longue), les périodes de stage ou d’études supérieures.
- L’octroi de trimestres pour les sapeurs-pompiers volontaires n’ayant pas toujours validé 4 trimestres par an, en sus des dispositifs de valorisation déjà existants ;
- La hausse du nombre de trimestres pouvant être validés par les sportifs de haut niveau ;
- La capacité, pour les élus locaux, de cotiser intégralement sur leurs indemnités.
Pour les enseignants du primaire, la condition de terminer l’année scolaire pour partir à la retraite est supprimée en cohérence avec ce qui existe pour les enseignants du secondaire.
Les amendements votés permettent :
- D’améliorer le niveau des pensions et du minimum vieillesse à Mayotte (revalorisation complémentaire et forfaitaire de 50€ par mois pour le minimum de pension, poursuite de la convergence de l’ASPA, qui augmentera de 150€ par mois);
- D’indexer la pension minimale agricole également sur le SMIC ;
- De préciser le seuil d’exonération de la récupération sur succession de l’ASPA et d’avoir une mesure plus favorable en Outre-Mer.
De nouveaux dispositifs ont été votés :
- Pour renforcer la portée de l’index senior en associant l’obligation de publication à une trajectoire d’amélioration des indicateurs. À défaut, l’employeur devra mettre en place un plan d’action ;
- Pour expérimenter un CDI senior pour l’emploi de demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 60 ans ;
- Pour supprimer les incohérences du prélèvement social sur les ruptures conventionnelles pouvant désinviter à l’emploi des séniors.
Les conditions de résidence sur le territoire des bénéficiaires du minimum vieillesse sont durcies. Des contrôles biométriques de l’existence des pensionnées résidants à l’étranger seront mis en place à compter de la fin de l’année 2023.
Le débat parlementaire a respecté l’objectif d’équilibre du système par répartition à l’horizon 2030. Le financement des nouvelles mesures est assuré par les mesures de lutte contre la fraude, d’harmonisation du régime social des indemnités de ruptures conventionnelles et d’augmentation des cotisations vieillesse employeur en contrepartie de la baisse des cotisations de la branche accidents du travail – Maladies professionnelles (AT-MP).